Nos grandes Européennes
Katalin KARIKO

Katalin KARIKO

La recherche scientifique est fondée sur l’argumentation rationnelle et les observations objectives. Mais elle progresse parfois au gré de cheminements improbables, en s’appuyant sur des personnages a priori marginaux, dont les itinéraires personnels, hors des sentiers battus, nourrissent les intuitions et les rencontres, jusqu’à en faire des inventeurs géniaux. Le développement de la technique dite de l’« ARN messager », reconstituée et racontée par Le Monde, au centre des espoirs de mise au point de vaccins contre le Covid-19, appartient à ce type d’aventures extraordinaires.(1)

Katalin Karikó, naît le 17 janvier 1955 à Szolnok, en Hongrie, elle grandit au sein d'une famille chrétienne, dans la ville hongroise de Kisújszállás où son père est boucher. Elle se passionne pour les sciences, et suit les cours au lycée Móricz Zsigmond Református. Après avoir obtenu son doctorat, elle poursuit ses recherches et ses études postdoctorales au Centre de recherche biologique (CRB) de l'Académie hongroise des sciences (MTA Szegedi Biológiai Központ), situé à Szeged, à 23 ans. Mais ce centre est démuni et manque de moyens financiers. Aussi quitte-t-elle la Hongrie, en 1985, avec son mari et sa fille de 2 ans. Ayant gagné les États-Unis, elle est recrutée au Département de biochimie de l'université Temple, dans le domaine des sciences.

Biochimiste, spécialiste de « ARN messager », celle qui est à l’origine de vaccins contre le Covid-19, travaillait dans l’ombre depuis 40 ans.

Désormais, tous les journaux se l’arrachent depuis que ses travaux sur l’ARN messager ont inspiré les vaccins anti-Covid. Les médias de son pays d’orgine, la Hongrie, repris ici par Courrier International mais aussi des médias du monde entier. Mais c’est récent.

Katalin Kariko a émigré aux Etats-Unis dans les années 80 quand la Hongrie vivait encore sous occupation soviétique, et vit depuis dans l’Etat de Pennsylvanie. A son arrivée, elle intègre l’université Temple où commence son travail sur l’ARN messager et elle participe notamment à un essai clinique de patients atteints du Sida. Elle rejoint ensuite l’Université de Pennsylvanie comme professeure. Mais à l’époque l’université concentrait ses recherches autour de l’ADN et ne voyait pas l’intérêt de son travail. Katalin Kariko se voit alors écartée de la liste des titularisations et rétrogradée au rang de chercheuse.

Pour autant, la biochimiste ne baisse pas les bras et continue son travail dans l’ombre. Dans son milieu professionnel, son travail ne suscite pas plus d’excitation. Et ce n’est pas sa seule déception. Femme, immigrée, elle fait face à un sexisme récurent au fil des années. Alors qu’elle est à la tête de son propre laboratoire, on demande à parler à son superviseur. On l’appelle « madame », quand les hommes sont appelés « professeur ».

En 1997, Katalin Kariko fait la connaissance de l’immunologiste américain Drew Weissman avec qui elle va collaborer. En 2005, dans le cadre de recherches sur le VIH, ils font une découverte qui permet une modification de l’ARN, ce qui va sortir le duo de l’ombre et leur donner un peu plus de crédibilité. Le principe est le suivant : avec un vaccin classique, on injecte une protéine du virus, tandis que l’ARN messager dit aux cellules comment fabriquer la protéine. Et c’est cette découverte, qui va permettre 15 ans plus tard, la création du vaccin contre le Covid-19.

Encore inconnue du grand public il y a quelques mois, et après avoir été méprisée par ses pairs et par les médias, son invention pourrait mettre un terme à la pandémie mondiale. Désormais son nom sera probablement cité parmi les candidats au Prix Nobel et cette technique pourrait permettre de développer de nouveaux types de traitements contre d’autres maladies comme le cancer ou le diabète.
par Rebecca Wolozinsky 5 janvier 2021

La chercheuse hongroise occupe désormais un poste élevé au sein du laboratoire allemand BioNTech.

(1) https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/12/01/arn-messager-la-lecon-de-liberte-de-katalin-kariko_6061779_3232.html